Le MCAS c'est quoi?

Manoeuvring Characteristics Augmentation System –

Cet article a pour but d’informer sur le fonctionnement du système « MCAS » de façon à être compréhensible par le plus grand nombre.

Aucune hypothèse concernant les raisons des crashes récents de deux Boeing 737MAX ne sera établie, pour rappel :

  • Vol 610 de Lion Air le 29 Octobre 2018
  • Vol 302 de Ethiopian Airlines le 10 Mars 2019

Pourquoi seul les 737MAX sont équipés du système MCAS?

Une des évolutions majeurs des Boeing 737MAX (Série -8 et -9) est l’adoption de nouveaux moteurs appelés Leap-1B alors que leurs petits frères : le Boeing 737NG  – NG pour Next Generation  (Série  -600, -700, -800) sont équipés de CFM-56-7B.

Les modèles de 737 antérieurs aux « NG » sont équipés de moteurs plus petits, c’est pourquoi nous ne parlerons pas de ces modèles dans cet article.

Le moteur Leap-1 comparé au CFM-56-7B a un diamètre de  » soufflante  » plus important, il a été augmenté de 20cm :

  • CFM-56-7B    : 1,55 mètre
  • Leap-1B            : 1,75 mètre
Une des caractéristiques des nouveaux moteurs qui équipent les avions de dernière génération (Boeing 787 😍, Boeing 737MAX et Airbus A350XWB, Airbus A320Neo…) est qu’ils sont de plus en plus gros (et donc par voie de conséquence, plus lourd) pour répondre aux questions d’efficience (la consommation de carburant en Litres par passager par kilomètre – L/pax/Km – ) et de réduction de bruit.
 
Faisons un petit retour en arrière pour bien comprendre l’impact d’un agrandissement des moteurs sur le 737.
La conception du Boeing 737 remonte à la fin des années 60 avec un premier vol commercial effectué le 10 Février 1968.
 
Depuis cette mise en service, il a connu de nombreuses modifications des moteurs, modernisation de l’avionique (c’est a dire que les cadrans à aiguilles ont été remplacés par des écrans – appelés Glass Cockpit – ) ou encore les commandes de vol.
 
Cependant, la forme générale de l’appareil reste globalement inchangée depuis sa création. Si vous comparez la garde au sol d’un 737 et d’un A320 par exemple, vous remarquerez que le 737 est bien plus proche du sol que l’A320, c’est pourquoi les ingénieurs de Boeing ont fait le choix  » d’avancer  » les moteurs devant les ailes plutôt que de les placer sous celle-ci. 
Et ce, malgré que le train d’atterrissage du ait été modifié à plusieurs reprises au fil des ans pour augmenter la garde au sol afin de pouvoir loger des moteurs plus gros.
 
Ce qui explique notamment la différence de forme des moteurs entre ces deux avions, tous deux sont équipés de CFM56, l’un, le 737NG a le cercle de la «  soufflante  » aplatie au niveau de la partie du moteur qui est la plus proche du sol, ce qui n’est pas le cas de l’A320.
 
A titre de comparaison voici l’évolution de la garde au sol du 737 au fil de ses évolutions :
737 -100/200           : 51cm
737 -300/à -700       : 46cm
737NG                         : 48cm
737MAX                      : 43cm
 
Par simple calcul, on peut remarquer que pour faire rentrer un moteur ayant une  » soufflante  » plus grande de 20cm sous les ailes d’un 737MAX, en reprenant les caractéristiques de la carlingue du 737NG seule la modification du train d’atterrissage (augmentation de la hauteur de la roulette de nez) n’aurait pas été suffisante.
C’est pourquoi Boeing à aussi modifié les mats de support des réacteurs pour pouvoir les placer plus haut et plus en avant sous les ailes. 
 
Après toutes ces modifications, le Leap-1B a pu être placé sous les ailes du 737 avec une garde au sol de 43cm à sa masse maximale autorisée au décollage ( MTOW ), ce qui signifie que l’avion chargé au maximum autorisé, la hauteur entre le « méplat » des moteurs et le sol est de 43cm.
 
Une des conséquences du positionnement des Leap-1B en avant des ailes du 737MAX est que cela crée une portance supplémentaire lorsque le nez de l’avion est vers le haut ( appelé « angle à cabrer » ).
 
Plus l’angle que forme l’avion avec l’horizon est important, on entend par là un angle positif donc à cabrer, plus cette portance additionnelle va avoir tendance à accentuer le phénomène de basculement vers l’arrière, autour du centre de gravité du 737MAX.
 
Dans le but de contrer ces effets, la firme de Chicago a équipé le 737MAX d’une nouvelle fonction qui n’était pas nécessaire sur les versions précédentes du 737.
Le MCAS.
 
La principale fonction du MCAS est de compenser le phénomène décrit plus haut, aussi appelé l’effet de couple à cabrer.
Pour contrer cet effet de couple à cabrer, le MCAS modifie la position du TRIM STABILISATEUR HORIZONTAL (STAB TRIM) ou en français COMPENSATEUR DU STABILISATEUR HORIZONTAL. 
 
—  Il existe d’autres systèmes similaires, par exemple le YAW DAMPER, qui sert a diminuer l’effet de lacet-roulis aussi appelé Roulis Hollandais (Duch Roll) qui est dû aux déformations aérodynamiques de l’avion. En agissant sur la gouverne verticale à la queue de l’avion.  —
 
En termes plus simple, le MCAS est un système qui protège l’avion du décrochage. Mais pour qu’il soit fonctionnel plusieurs conditions doivent être réunis que nous allons détailler plus bas.

Comment fonctionne le système MCAS?

Le fonctionnement du MCAS est assez simple dans les faits, il se contente d’analyser des données provenant de plusieurs capteurs (comme le capteur d’incidence ou AoA pour Angle of Attack), en fonction des informations recueillies, le MCAS donne un ordre  » à piquer  » au TRIM de la gouverne de profondeur.

– Pour rappel, l’incidence c’est l’angle que forme les ailes avec le vent relatif ou plus simplement c’est l’angle que forme le nez de l’appareil avec l’horizontale

Pour que le MCAS soit actif,  d’après Boeing, il faut notamment que :

  1. Le pilote automatique soit désengagé ( A/P OFF )
  2. Les volets soit rentrés ( Position 0 )
  3. L’angle d’incidence relevé par l’AoA soit élevé (cette limite varie en fonction de la vitesse et de l’altitude)
  4. Qu’aucune action manuelle des pilotes ne soit effectuée sur le TRIM

Le MCAS s’enclenche automatiquement sans avertissement, après que l’avertisseur de décrochage ( dans les 737 cette alarme porte le nom de Stick-ShakerVibreur de manche – ) se soit déclenché, en actionnant la vis sans fin qui permet d’incliner l’empennage horizontal situé à la queue de l’appareil.

Le système se désactive par action du pilote sur le TRIM électrique (situé sur le YOKE) ou en tournant manuellement la roulette de TRIM/COMPENSATEUR (située entre les deux pilotes) mais si les données transmises au logiciel MCAS montrent que l’Incidence est toujours trop élevée ( de façon erronée ou réelle ), le MCAS se réactive automatiquement au bout de 5 secondes.

Boeing a confirmé que le 737MAX est équipé de deux capteurs d’incidence ( Un coté Commandant De Bord et l’autre coté CoPilote ), mais qu’un seul des deux capteurs était utilisé par le système MCAS pour « prendre sa décision ».

Depuis une mise à jour du logiciel par Boeing, les deux capteurs sont maintenant utilisés et ainsi, si les données issues de ces deux sondes AoA sont contradictoires, le MCAS ne s’activera pas, il y a aussi une alerte visuelle « disagree light » placée sur la planche de bord pour informer les pilotes d’un dysfonctionnement du système MCAS.
De plus le MCAS ne pourra s’activer qu’une seule fois et ne pourra plus exercer une force supérieur à l’action des pilotes sur le manche pour mettre l’avion à cabrer ou à piquer.

Avec le système MCAS, Boeing semble vouloir changer de stratégie. Depuis plusieurs décennies, une des grandes différences entre Boeing et Airbus était que chez l’avionneur Américain, les pilotes avaient toujours le dernier mot sur la machine ( « C’est MOI qui pilote et pas l’ordinateur!  » ) contrairement à Airbus qui a plus tendance à privilégier les systèmes automatiques, ce qui fait que dans certains cas, l’ordinateur de vol peut outre-passer les décisions des pilotes et ainsi prendre « le contrôle » de l’avion.

Á quoi ressemble le Cockpit du 737MAX?